Bouts de vie from Montmartre, Paris et ailleurs...
3 Février 2015
Ce n'est pas la première fois que je vous parle de Laurent Gaudé, puisqu'il s'agit d'un des rares auteurs dont j'ai lu tous les romans et dont j'achète immédiatement le nouvel opus dès sa sortie, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Je n'ai donc une nouvelle fois pas dérogé à la règle, et je me suis précipitée sur Danser Les Ombres publié en tout début d'année aux Editions Actes Sud. C'est en Haïti que l'auteur situe cette fois son action, au moment du tremblement de terre dévastateur de 2010. Lucine revient à Port au Prince pour y reprendre sa vie, avant que la terre ne vienne elle-même reprendre ses droits...
Comme dans de nombreux romans de Laurent Gaudé, la mort est omniprésente tout au long de l'histoire. Mais cette fois, l'auteur va encore plus loin, la mort étant finalement le personnage principal de Danser Les Ombres. La mort... Les morts... Les esprits... La vie... C'est toute l'ambiguité de ce véritable requiem, hommage aux âmes qui nous hantent et qui nous guident. Car c'est bien la vie qui grouille dans les rues de Port au Prince, ces hommes et ces femmes qui travaillent, qui rient, qui aiment, qui transpirent, qui souffrent, qui pleurent, qui crient.
L'écriture de Laurent Gaudé, d'une formidable musicalité, nous transporte et nous émeut. Durant toute la première partie du livre, on suit l'histoire de ces hommes et de ces femmes bien vivants, de ces destins croisés, tout en sachant que la terre va trembler. Puis vient le terrible moment, où l'on vit sans respirer, au travers des mots et de la poésie de l'auteur, ces trente-cinq secondes qui bouleverseront toutes ces vies à jamais. "Mais d'un coup, sans que rien ne l'annonce, d'un coup, la terre, subitement, refusa d'être terre, immobile, et se mit à bouger... Durant trente-cinq secondes qui sont trente-cinq années... A danser, la terre... A trembler."
La terre, autre personnage principal du roman, celle qui s'ouvre et qui avale les vivants, celle où doivent reposer les morts, si tant est qu'ils aient vraiment quitté le monde des vivants... J'ai été incapable de lâcher le livre avant la dernière page, tellement j'étais moi aussi happée par ces ombres qui dansent. J'avais un goût de terre dans la bouche à la lecture de la dernière phrase, des mots tout simples et porteurs de tellement d'humanité.
Le talent de Laurent Gaudé est vraiment immense, et son écriture définitivement bouleversante. C'est un bel hommage au peuple haïtien qui est ici rendu, et à ce pays mal connu mais dont on sent que la force en fait aussi toute la beauté.
Lulu, pacsée, maman comblée, marâtre assumée et communicante digitale de proximité.
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