Lecture de printemps : L'Invention De Nos Vies de Karine Tuil

L'Invention De Nos Vies fait partie pour moi de ces romans dont j'ai encore du mal à dire si je les ai vraiment aimés ou pas... L'histoire me plaisait : Sam Tahar est un brillant avocat new yorkais, marié à la fille d'un homme d'affaires juif très influent. De l'autre côté de l'Atlantique, Samuel, son ancien meilleur ami, écrivain raté, végète dans sa banlieue en compagnie de la sublime Nina, son grand amour de jeunesse, qui 20 ans plus tôt avait choisi Samuel plutôt que Sam. Jusqu'au jour où Samuel découvre que Sam, de son vrai nom Samir, lui a "volé" son histoire et son identité juive pour réussir.

L'écriture de Karine Tuil est à la fois brillante et déroutante, notamment en raison des nombreuses phrases à rallonge, agaçantes par certains moments mais qui donnent un vrai rythme à la narration, et des notes de bas de page qui, hormis pour l'exercice de style, n'apportent à mon avis pas grand chose, si ce n'est pour rappeler que personne n'est peut-être véritablement devenu ce qu'il rêvait d'être.

L'histoire est parfaitement menée, et malgré d'énormes clichés, le rebondissement en milieu de roman est totalement inattendu. Evidemment, il s'agit d'une réflexion profonde sur le mensonge, et jusqu'où celui-ci peut mener. Le sujet m'a d'autant plus interpellé que j'ai moi aussi connu il y a quelques années quelqu'un qui avait complètement inventé sa vie, et que je suis tombée de très très haut le jour où j'ai appris la vérité. A la question de savoir pourquoi l'on ment, la réponse n'est jamais bien difficile à trouver, mais ceux qui mentent à ce point réalisent-ils seulement l'engrenage dans lequel ils mettent le doigt ? A quel moment peut-on encore faire marche arrière, si tant est qu'on le puisse jamais ?

L'Invention De Nos Vies pose de nombreuses questions de société, montrant à quel point l'être humain peut renier ce qu'il a de plus cher au monde pour faire partie de l'élite. J'ai trouvé les situations et les personnages trop caricaturaux parfois, et pourtant, elles ne sont que le reflet de la réalité. Certains points de l'histoire ne sont d'ailleurs pas sans rappeler l'affaire DSK, celle-ci ayant montré à quel point la réalité pouvait parfois aller bien au delà de la fiction. Et puis j'aurais sûrement aimé que les femmes de l'histoire soient un peu moins passives.

J'ai pourtant trouvé la fin un peu trop abrupte, tournant désespérément la dernière page en me disant "ah ben merde, c'est fini ?", et tout au long de la lecture, j'ai pensé que l'histoire ferait un magnifique scénario de long-métrage ; il paraît d'ailleurs que Karine Tuil y travaille.